Freud : Nos actes manqués n’ont-ils aucun sens ?

[23] Il est facile de voir que l’interprétation des rêves, quand elle n’est pas rendue trop pénible par les résistances du malade, conduit à découvrir les désirs cachés et refoulés, ainsi que les complexes qu’ils entretiennent. Je peux donc passer au troisième groupe de phénomènes psychiques dont tire parti la technique psychanalytique.

[24] Ce sont tous ces actes innombrables de la vie quotidienne, que l’on rencontre aussi bien chez les individus normaux que chez les névrosés et qui se caractérisent par le fait qu’ils manquent leur but : on pourrait les grouper sous le nom d’actes manqués. D’ordinaire, on ne leur accorde aucune importance. Ce sont des oublis inexplicables (par exemple l’oubli momentané des noms propres), les lapsus linguae, les lapsus calami, les erreurs de lecture, les maladresses, la perte ou le bris d’objets, etc., toutes choses auxquelles on n’attribue ordinairement aucune cause psychologique et qu’on considère simplement comme des résultats du hasard, des produits de la distraction, de l’inattention, etc. A cela s’ajoutent encore les actes et les gestes que les hommes accomplissent sans les remarquer et à plus forte raison, sans y attacher d’importance psychique : jouer machinalement avec des objets, fredonner des mélodies, tripoter ses doigts, ses vêtements, etc. Ces petits faits, les actes manqués, comme les actes symptomatiques et les actes de hasard, ne sont pas si dépourvus d’importance qu’on est disposé à l’admettre en vertu d’une sorte d’accord tacite. Ils ont un sens et sont, la plupart du temps, faciles à interpréter. On découvre alors qu’ils expriment, eux aussi, des pulsions et des intentions que l’on veut cacher à sa propre conscience et qu’ils ont leur source dans des désirs et des complexes refoulés, semblables à ceux des symptômes et des rêves. Considérons-les donc comme des symptômes ; leur examen attentif peut conduire à mieux connaître notre vie intérieure. C’est par eux que l’homme trahit le plus souvent ses secrets les plus intimes. S’ils sont habituels et fréquents, même chez les gens sains qui ont réussi à refouler leurs tendances inconscientes, cela tient à leur futilité et à leur peu d’apparence. Mais leur valeur théorique est grande, puisqu’ils nous prouvent l’existence du refoulement et des substituts, même chez des personnes bien portantes.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§23-24

Questions :

  • Que prouve l’interprétation des rêves selon Freud ? Expliquez. (§23)
  • D’ordinaire, on n’accorde aucune importance aux actes manqués, soit pour une mauvaise raison, soit pour une bonne raison : lesquelles? Expliquez à l’aide d’un exemple. (§24)
  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il ici ? Reconstituez-le. (§24 l.15-16)
  • Pourquoi l’existence d’actes manqués est-elle une meilleure preuve que celle de l’hystérie ? Expliquez. (§24)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Emma, Emilie et Cléa (TL, 2017)

 

Une explication orale proposée par Ksénia, Sarah & Mélisa (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Freud : Sommes-nous capables d’interpréter nos propres rêves ?

[§14] D’ordinaire, quand nous sommes éveillés, nous traitons les rêves avec un mépris égal a celui que le malade éprouve à l’égard des idées spontanées que le psychanalyste suscite en lui, Nous les vouons à un oubli rapide et complet, comme si nous voulions nous débarrasser au plus vite de cet amas d’inco­hérences. Notre mépris vient du caractère étrange que revêtent, non seulement les rêves absurdes et stupides, mais aussi ceux qui ne le sont pas. Notre répu­gnance à nous intéresser à nos rêves s’explique par les tendances impudiques et immorales qui se manifestent ouvertement dans certains d’entre eux. – L’antiquité, on le sait, n’a pas partagé ce mépris, et aujourd’hui encore le bas peuple reste curieux des rêves auxquels il demande, comme les Anciens, la révélation de l’avenir.

[§15] Je m’empresse de vous assurer que je ne vais pas faire appel à des croyan­ces mystiques pour éclairer la question du rêve; je n’ai du reste jamais rien constaté qui confirme la valeur prophétique d’un songe. Cela n’empêche pas qu’une étude du rêve nous réservera de nombreuses surprises.

[§16] D’abord, tous les rêves ne sont pas étrangers au rêveur, incompréhensibles et confus pour lui. Si vous vous donnez la peine d’examiner ceux des petits enfants, à partir d’un an et demi, vous les trouvez très simples et facilement explicables. Le petit enfant rêve toujours de la réalisation de désirs que le jour précédent a fait naître en lui, sans les satisfaire. Aucun art divinatoire n’est nécessaire pour trouver cette simple solution ; il suffit seulement de savoir ce que l’enfant a vécu le jour précédent. Nous aurions une solution satisfaisante de l’énigme si l’on démontrait que les rêves des adultes ne sont, comme ceux des enfants, que l’accomplissement de désirs de la veille. Or c’est bien là ce qui se passe. Les objections que soulève cette manière de voir disparaissent devant une analyse plus approfondie.

[§17] Voici la première de ces objections : les rêves des adultes sont le plus souvent incompréhensibles et ne ressemblent guère à la réalisation d’un désir. – Mais, répondons-nous, c’est qu’ils ont subi une défiguration, un déguisement. Leur origine psychique est très différente de leur expression dernière. Il nous faut donc distinguer deux choses : d’une part, le rêve tel qu’il nous apparaît, tel que nous l’évoquons le matin, vague au point que nous avons souvent de la peine à le raconter, à le traduire en mots ; c’est ce que nous appellerons le con­tenu manifeste du rêve. D’autre part, nous avons l’ensemble des idées oniri­ques latentes, que nous supposons présider au rêve du fond même de l’incon­scient. Ce processus de défiguration est le même que celui qui préside à la naissance des symptômes hystériques. La formation des rêves résulte donc du même contraste des forces psychiques que dans la formation des symptômes. Le « contenu manifeste » du rêve est le substitut altéré des « idées oniriques latentes » et cette altération est l’œuvre d’un « moi » qui se défend ; elle naît de résistances qui interdisent absolument aux désirs inconscients d’entrer dans la conscience à l’état de veille ; mais, dans l’affaiblissement du sommeil, ces forces ont encore assez de puissance pour imposer du moins aux désirs un masque qui les cache. Le rêveur ne déchiffre pas plus le sens de ses rêves que l’hystérique ne pénètre la signification de ses symptômes.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§14-17

Questions :

  • Selon Freud, avons-nous de bonnes raisons de ne pas prendre nos rêves au sérieux ? Justifiez. (§14)
  • Que prouvent les rêves d’enfants ? Expliquez à l’aide d’un exemple. (§16)
  • Reconstituez les étapes de la formation d’un rêve chez l’adulte. (§17)
  • Quel type de raisonnement conclut le texte ? Expliquez. (§17)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Laurie, Lola & Camille (TL, 2017)

 

Une explication orale proposée par Pauline, Maëva & Léa (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Freud : est-il facile de dire tout ce qui nous vient à l’esprit ?

[§7] Si, pour rechercher un complexe refoulé, nous partons des souvenirs que le malade possède encore, nous pouvons donc y parvenir, à condition qu’il nous apporte un nombre suffisant d’associations libres. Nous laissons parler le malade comme il lui plaît, conformément à notre hypothèse d’après laquelle rien ne peut lui venir à l’esprit qui ne dépende indirectement du complexe recherché. Cette méthode pour découvrir les éléments refoulés vous semble peut-être pénible; je puis cependant vous assurer que c’est la seule praticable.

[§8] Il arrive parfois qu’elle semble échouer : le malade s’arrête brusquement, hésite et prétend n’avoir rien à dire, qu’il ne lui vient absolument rien à l’esprit. S’il en était réellement ainsi, notre procédé serait inapplicable. Mais une observation minutieuse montre qu’un tel arrêt des associations libres ne se présente jamais. Elles paraissent suspendues parce que le malade retient ou supprime l’idée qu’il vient d’avoir, sous l’influence de résistances revêtant la forme de jugements critiques. On évite cette difficulté en avertissant le mala­de à l’avance et en exigeant qu’il ne tienne aucun compte de cette critique. Il faut qu’il renonce complètement à tout choix de ce genre et qu’il dise tout ce qui lui vient à l’esprit, même s’il pense que c’est inexact, hors de la question, stupide même, et surtout s’il lui est désagréable que sa pensée s’arrête à une telle idée. S’il se soumet à ces règles, il nous procurera les associations libres qui nous mettront sur les traces du complexe refoulé.

[§9] Ces idées spontanées que le malade repousse comme insignifiantes, s’il résiste au lieu de céder au médecin, représentent en quelque sorte, pour le psychanalyste, le minerai dont il extraira le métal précieux par de simples artifices d’interprétation.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§7-9

Questions :

  • Comparez la nouvelle méthode utilisée par Freud avec l’hypnose. Laquelle est la meilleure ? Justifiez. (§7)
  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il ici ? Reconstituez-le. (§8 l.2-3)
  • Selon Freud, sommes-nous libres de dire tout ce que nous pensons ? Expliquez. (§8 l.5-9)
  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il ici ? Reconstituez-le. (§9)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Morgane, Nicolas et Juliette (TL, 2017)

Une explication orale proposée par Laura, Lori Ann & Johanna (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Psychanalysons les contes de fées ! par les TL (2016)

En novembre 2016, les élèves de TL du lycée René Cassin ont cherché à interpréter plusieurs contes de Grimm à la lumière de la psychanalyse freudienne, à la manière de Bruno Bettelheim. Ils proposent pour chaque conte une lecture et un résumé de leur interprétation.

  • Les sept corbeaux : lecture & interprétation psychanalytique du conte de Grimm, par Zina, Marine L., Naïs, Coline, Antoine & Cassandra.

  • Le serpent blanc : lecture & interprétation psychanalytique du conte de Grimm, par Estelle, Inès, Charlotte, Margaux, Caroline S. & Tatyana.

  • Les trois fileuses : lecture & interprétation psychanalytique du conte de Grimm, par Kerene, Camille, Chloé, Kévin, Amélie & Flora.

  • Les trois plumes : lecture & interprétation psychanalytique du conte de Grimm, par Eloïse, Pierrick, Louise, Agathe & Tiphanie.

  • Le roi-grenouille: lecture & interprétation psychanalytique du conte de Grimm, par Marine S., Guillaume, Viviane, Lola & Clara.

Ce travail s’inspire de la démarche de Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées, 1976), et poursuit les essais interprétatifs de 4 autres contes de Grimm proposés en 2014.

Freud : nos idées surgissent-elles au hasard ?

Je vous avais dit que lorsque, renonçant à l’hypnose, on cherchait à réveiller les souvenirs que le sujet pouvait avoir de l’origine de sa maladie, en lui demandant de dire ce qui lui venait à l’esprit, la première idée qui surgis­sait se rapportait à ces premiers souvenirs. Ce n’est pas toujours exact. Je n’ai présenté la chose aussi simplement que pour être bref. En réalité, les pre­mières fois seulement, une simple insistance, une pression de ma part suffisait pour faire apparaître l’événement oublié. Si l’on persistait dans ce procédé, des idées surgissaient bien, mais il était fort douteux qu’elles correspondent réelle­ment à l’événement recherché : elles semblaient n’avoir aucun rapport avec lui, et d’ailleurs les malades eux-mêmes les rejetaient comme inadéquates. La pression n’était plus d’aucun secours et l’on pouvait regretter d’avoir renoncé à l’hypnose.

Incapable d’en sortir, je m’accrochai à un principe dont la légitimité scientifique a été démontrée plus tard par mon ami C.-G. Jung et ses élèves à Zurich. (Il est parfois bien précieux d’avoir des principes!) C’est celui du déterminisme psychique, en la rigueur duquel j’avais la foi la plus absolue. Je ne pouvais pas me figurer qu’une idée surgissant spontanément dans la con­science d’un malade, surtout une idée éveillée par la concentration de son attention, pût être tout à fait arbitraire et sans rapport avec la représentation oubliée que nous voulions retrouver. Quelle ne lui fût pas identique, cela s’expliquait par l’état psychologique supposé. Deux forces agissaient l’une contre l’autre dans le malade ; d’abord son effort réfléchi pour ramener à la conscience les choses oubliées, mais latentes dans son inconscient ; d’autre part la résistance que je vous ai décrite et qui s’oppose au passage à la con­science des éléments refoulés. Si cette résistance est nulle ou très faible, la chose oubliée devient consciente sans se déformer ; on était donc autorisé à admettre que la déformation de l’objet recherché serait d’autant plus grande que l’opposition à son arrivée à la conscience serait plus forte. L’idée qui se présentait à l’esprit du malade à la place de celle qu’on cherchait à rappeler avait donc elle-même la valeur d’un symptôme. C’était un substitut nouveau, artificiel et éphémère de la chose refoulée et qui lui ressemblait d’autant moins que sa déformation, sous l’influence de la résistance, avait été plus grande. Pourtant, il devait y avoir une certaine similitude avec la chose recherchée, puisque c’était un symptôme et, si la résistance n’était pas trop intense, il devait être possible de deviner, au moyen des idées spontanées, l’inconnu qui se dérobait. L’idée surgissant dans l’esprit du malade est, par rapport à l’élément refoulé, comme une allusion, comme une traduction de celui-ci dans un autre langage.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§1-2

Questions :

  • Quelles méthodes Freud préfère-t-il abandonner ? Justifiez son choix. (§1)
  • Expliquez le principe théorique auquel Freud fait appel à l’aide d’un exemple (§2)
  • Quand l’esprit évoque une idée refoulée, quel conflit a lieu ? Reconstituez les étapes.
  • Quel type de raisonnement conclut le texte ? Expliquez.
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Orlanne, Ivo, Claire et Lea (TL, 2017)

Une explication orale proposée par Emeline, Emilie & Mandy (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Essais de pop psychanalyse (2015)

En décembre 2015, les élèves de TES3 ont choisi de travailler sur un objet de culture populaire afin d’en dégager une interprétation psychanalytique.

Avertissement : Ces écrits de pop psychanalyse ne prétendent à aucune exhaustivité ni à aucune perfection, ce sont au sens propre des essais imparfaits, parfois inachevés, mais qui proposent quelques pistes de réflexion à partir de la culture populaire.

Auteurs

Univers choisi

Lien vers l’essai psychanalytique

Antoine Peuvrel et Chéryl Le Saint Les Simpsons https://goo.gl/kVuHd3
Rita Ndombet/ Anne-claire Merzilus Empire https://goo.gl/92aF5p
Marie Lefebvre/Aurelie Mathiere Inception https://goo.gl/hlTq6M
Adrien Lonlas / Vigner Camille Hunger Games https://goo.gl/FeGqm8
Isenbeck Léa Orange is the New Black https://goo.gl/WosPN0
Chery Martha/ Birebent Aurélien/ Lakhdissi Bassma Breaking bad https://goo.gl/3U60rF
Da Cunha Romane The Sea of Tranquility de Katja Millay https://goo.gl/GpZojt
Jillet Manon/Jahier Maëliss/Cayron Camille Millénium https://goo.gl/Q342yY

Ces essais sont ouverts aux commentaires.

Psychanalysons les contes de fées ! (TL, 2014)

En s’inspirant de la démarche de Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées, 1976), la classe de TL du lycée René Cassin d’Arpajon propose ici en 2014 sa lecture psychanalytique de 4 contes des frères Grimm :

Vue d’ensemble (dossier partagé permettant d’accéder à chaque fichier individuellement)

Sommaire

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– La jeune fille sans mains

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– L’eau de vie

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L’ondine de l’étang

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– La mariée blanche et la mariée noire

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Ce travail ne prétend pas être définitif ; n’hésitez pas à commenter !