Archives de l’auteur : Guillaume Lequien
Orientation : après le Bac L
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Pascal : Un ignorant peut-il être savant ?
Le monde juge bien des choses, car il est dans l’ignorance naturelle, qui est le vrai siège de l’homme. Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. La première est la pure ignorance naturelle où se trouvent tous les hommes en naissant. L’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes, qui, ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent en cette même ignorance d’où ils étaient partis ; mais c’est une ignorance savante qui se connaît. Ceux d’entre deux, qui sont sortis de l’ignorance naturelle, et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux-là troublent le monde, et jugent mal de tout. Le peuple et les habiles composent le train du monde ; ceux-là le méprisent et sont méprisés. Ils jugent mal de toutes choses, et le monde en juge bien.
Pascal, Pensées (1670), 83
Questions :
- Que signifie l’expression “ignorance savante” ? Justifiez à l’aide d’un exemple.
- D’après Pascal, quelles sont les 3 catégories où l’on peut répartir les hommes en fonction de leur degré de connaissance ?
- D’après Pascal, faut-il sortir de l’ignorance ?
Platon : La technique de l’écriture améliore-t-elle notre mémoire ?
Citation
SOCRATE : Le dieu Teuth, inventeur de l’écriture, dit au roi d’Egypte : « Voici l’invention qui procurera aux Egyptiens plus de savoir et de mémoire : pour la mémoire et le savoir j’ai trouvé le médicament qu’il faut ».
– Et le roi répondit : « Dieu très industrieux, autre est l’homme qui se montre capable d’inventer un art, autre celui qui peut discerner la part de dommage et celle d’avantage qu’il procure à ses utilisateurs. Père des caractères de l’écriture, tu es en train, par complaisance, de leur attribuer un pouvoir contraire à celui qu’ils ont. Conduisant ceux qui les connaîtront à négliger d’exercer leur mémoire, c’est l’oubli qu’ils introduiront dans l’âme : faisant confiance à l’écrit, c’est du dehors en recourant à des signes étrangers, et non du dedans, par leurs ressources propres, qu’ils se ressouviendront ; ce n’est donc pas pour la mémoire, mais pour le ressouvenir que tu as trouvé un médicament.
Ainsi celui qui croit avoir consigné son savoir par écrit tout autant que celui qui le recueille en croyant que de l’écrit naîtront évidence et certitude, sont l’un et l’autre tout pleins de naïveté dans la mesure où il croient trouver dans les textes écrits autre chose qu’un moyen permettant à celui qui sait de se ressouvenir des choses dont traitent les écrits.
PHÈDRE : C’est très juste.
SOCRATE : Car ce qu’il y a de redoutable dans l’écriture, c’est qu’elle ressemble vraiment à la peinture : les créations de celle-ci font figure d’êtres vivants, mais qu’on leur pose quelque question, pleines de dignité, elles gardent le silence. Ainsi des textes : on croirait qu’ils s’expriment comme des êtres pensants, mais questionne-t-on dans l’intention de comprendre l’un de leurs dires, ils n’indiquent qu’une chose, toujours la même. Une fois écrit, tout discours circule partout, allant indifféremment de gens compétents à d’autres dont ce n’est nullement l’affaire, sans savoir à qui il doit s’adresser. Est-il négligé ou maltraité injustement ? il ne peut se passer du secours de son père, car il est incapable de se défendre ni de se secourir lui-même.
PLATON, Phèdre, 274e-275e
- Pourquoi, selon Teuth, l’écriture est-elle censée augmenter notre mémoire ?
- Pourquoi, selon Platon, l’écriture provoque-t-elle en réalité l’oubli dans l’âme de celui qui l’utilise ?
- Pourquoi, selon Platon, l’écriture ne nous donne-t-elle qu’une apparence de savoir ?
Simondon : Maîtrisons-nous les machines que nous utilisons ?
L’objet technique a fait son apparition dans un monde où les structures sociales et les contenus psychiques ont été formés par le travail : l’objet technique s’est donc introduit dans le monde du travail, au lieu de créer un monde technique ayant de nouvelles structures. La machine est alors connue et utilisée à travers le travail et non à travers le savoir technique ; le rapport du travailleur à la machine est inadéquat, car le travailleur opère sur la machine sans que son geste prolonge l’activité d’invention. (…) [L]’homme connaît ce qui entre dans la machine et ce qui en sort, mais non ce qui s’y fait : en présence même de l’ouvrier s’accomplit une opération à laquelle l’ouvrier ne participe pas même s’il la commande ou la sert. Commander est encore rester extérieur à ce que l’on commande, lorsque le fait de commander consiste à déclencher selon un montage préétabli (…).
Les objets techniques qui produisent le plus d’aliénation sont aussi ceux qui sont destinés à des utilisateurs ignorants. De tels objets techniques se dégradent progressivement : neufs pendant peu de temps, ils se dévaluent en perdant ce caractère, parce qu’ils ne peuvent que s’éloigner de leurs conditions de perfection initiale. Le plombage des organes délicats indique cette coupure entre le constructeur, qui s’identifie à l’inventeur, et l’utilisateur, qui acquiert l’usage de l’objet technique uniquement par un procédé économique ; la garantie concrétise le caractère économique pur de cette relation entre le constructeur et l’utilisateur ; l’utilisateur ne prolonge en aucune manière l’acte du constructeur ; par la garantie, il achète le droit d’imposer au constructeur une reprise de son activité si le besoin s’en fait sentir.
Gilbert SIMONDON, Du mode d’existence des objets techniques (1958), pp.249–251
- Pouvons-nous être à la fois inventeur et utilisateur d’une machine ?
- L’utilisation d’une machine nous rend-elle plus savants ?
