Suis-je le mieux placé pour savoir qui je suis ?

MAGRITTE, La reproduction interdite (Portrait d’Edward James), 1937 Huile sur toile, 79 x 65,5 cm Rotterdam, Museum Boymans-van Beuningen

(1) La reproduction interdite…

a) Quelle est la fonction naturelle du miroir ?

b) Expliquez le titre de l’œuvre : La reproduction interdite. D’où émane l’interdiction ?

c) Imaginez une explication rationnelle pour rendre compte du phénomène observé.

d) En quoi Edward James est-il essentiellement différent des autres objets présents autour de lui dans la scène ? Qu’est-ce qui justifie cette différence de traitement ?

(2) …(Portrait d’Edward James)

a) Qu’est-ce qu’un « portrait » ?

b) Quelle partie du corps d’Edward James voyons-nous ?

Qu’a de particulier cette partie du corps ?

c) A qui Edward James ressemble-t-il ? Qui est représenté en réalité ?

d) Au total, combien de personnes sont actuellement en train de contempler ce qui se trouve devant elles ?

Que contemple chacune d’entre elles ?

(3) Interprétation d’ensemble

a) Imaginez une explication symbolique pour rendre compte de ce phénomène. (Qu’a voulu dire Magritte ?)

b) En quoi ce tableau retranscrit-il d’une certaine manière l’expérience ordinaire du miroir ?

c) En quoi s’agit-il effectivement d’un « portrait » ?

d) Ré-expliquez le titre de l’œuvre.

Clifford : Suis-je libre de croire tout ce qui me plaît ?

Un armateur était sur le point de faire prendre la mer à un bateau chargé d’émigrants. Il savait que ce navire était vieux, et, surtout, qu’il avait de nombreux défauts de construction. Pour ne rien arranger, le bateau avait déjà affronté plusieurs mers houleuses et maintes tempêtes et avait souvent nécessité des réparations. Plusieurs personnes lui avaient fait remarquer qu’il était hors d’état de naviguer. Ces doutes l’inquiétèrent et le mirent mal à l’aise ; il pensa même à le faire réparer et radouber, même si cela devait lui coûter très cher. Mais avant que le navire ne prenne la mer, il réussit à chasser ces sombres pensées, se disant qu’après tout son bateau était toujours revenu à bon port après avoir effectué un grand nombre de traversées et essuyé un nombre incalculable de tempêtes, et qu’il était stupide de penser qu’il ne rentrerait pas au port une fois de plus. Il n’y avait qu’à s’en remettre à la Providence, qui ne pourrait manquer de protéger toutes ces familles malheureuses qui quittaient leur patrie à la recherche de jours meilleurs. Il s’efforça d’écarter de son esprit tout soupçon quant à l’honnêteté des constructeurs et des entrepreneurs, et parvint ainsi à se rassurer et à se convaincre sincèrement que son vaisseau était absolument sûr et en état de naviguer. Il assista donc à son départ le coeur léger, en formulant de pieux souhaits pour le succès des exilés dans le pays lointain qui allait devenir leur patrie – et il encaissa le paiement de la compagnie d’assurances quand son bateau périt en pleine mer sans laisser de traces.

Que dire de cet armateur ? Sûrement qu’il était réellement coupable de la mort de ces personnes. Même si nous admettons qu’il croyait sincèrement à la solidité de son bateau, il reste que la sincérité de sa conviction ne peut en aucune façon le disculper, par qu’il n’avait pas le droit de fonder cette croyance sur les informations qu’il possédait. Il avait acquis cette conviction non pas sur la foi d’une investigation minutieuse, mais en étouffant ses doutes. Et même s’il avait fini par en être si sûr qu’il ne pouvait penser autrement, dans la mesure où il s’est consciemment et volontairement efforcé d’en venir à cet état d’esprit, il doit être tenu pour responsable de cet accident.

William K. CLIFFORD, “L’éthique de la croyance” (1877)

  • Même en étant sincère, l’armateur est-il responsable de l’accident ? Pourquoi ?
  • Expliquez pourquoi Clifford affirme que : “il n’avait pas le droit de fonder cette croyance sur les informations qu’il possédait
  • Appliquez l’argumentation de Clifford a la croyance religieuse : selon vous, le croyant a-t-il le droit de fonder sa croyance sur les informations qu’il possède ? La croyance religieuse peut-elle être considérée comme une croyance raisonnable ?

L’individu en groupe

Le groupe peut-il secourir l’individu ?

1) L’effet témoin (également appelé “effet spectateur”) a d’abord été identifié lors du meurtre dramatique de Kitty Genovese en 1964, à la suite duquel le New York Times titra : « Les 38 témoins du meurtre qui n’ont pas appelé la police ».

Extrait du reportage d’Envoyé Spécial “L’étoffe du héros” de juin 2015

2) L’expérience du bon samaritain propose de tester l’effet témoin en le combinant avec le critère du statut social : le groupe va-t-il tenir compte de l’apparence sociale de la victime avant de lui venir en aide ?

Pour approfondir :

  • Le film 38 témoins de Lucas Belvaux (2012) est librement inspiré de l’affaire Kitty Genovese.

Gustave Le Bon : La foule est-elle meilleure que l’individu ?

Les foules ne sauraient accomplir d’actes exigeant une intelligence élevée. Les décisions d’intérêt général prises par une assemblée d’hommes distingués, mais de spécialités différentes, ne sont pas sensiblement supérieures aux décisions que prendrait une réunion d’imbéciles. Ils peuvent seulement associer en effet ces qualités médiocres que tout le monde possède. Les foules accumulent non l’intelligence mais la médiocrité. (…)

La première [cause] est que l’individu en foule acquiert, par le fait seul du nombre, un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts, que, seul, il eût forcément refrénés. Il y cédera d’autant plus volontiers que, la foule étant anonyme, et par conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient toujours les individus, disparaît entièrement.

Une seconde cause, la contagion mentale, intervient également pour déterminer chez les foules la manifestation de caractères spéciaux et en même temps leur orientation. (…) Chez une foule, tout sentiment, tout acte est contagieux, et contagieux à ce point que l’individu sacrifie très facilement son intérêt personnel à l’intérêt collectif. C’est là une aptitude contraire à sa nature, et dont l’homme ne devient guère capable que lorsqu’il fait partie d’une foule. (…)

Donc, évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la personnalité inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en acte les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l’individu en foule. Il n’est plus lui-même, mais un automate que sa volonté est devenue impuissante à guider.

Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule, l’homme descend donc plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un instinctif, par conséquent un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs.

Gustave LE BON, Psychologie des foules (1895), I, 1, pp.148-150

L’individu préfère-t-il se distinguer ou se conformer au groupe ?

Le collectif Exactitudes mené par Versluis et Uyttenbroek a pour objectif de

“fournir un enregistrement quasiment scientifique, anthropologique, des tentatives des gens pour se distinguer des autres en assumant une identité de groupe”.

  • Cette uniformisation des styles est-elle volontaire ou non ?
  • De qui chacun cherche-t-il exactement à se distinguer ? A qui exactement finit-il par ressembler ?

Pour approfondir :

L’individu peut-il s’opposer au groupe ?

L’expérience de Solomon Asch (1951) a pour but de mesurer les effets de la pression du groupe sur les croyances et opinions d’un individu.

  • Sur cent personnes, combien se soumettent à l’influence du groupe ?
  • Que se passe-t-il quand un individu résiste à l’influence du groupe ?
  • Deux individus peuvent-ils résister à l’influence d’un groupe majoritaire ?

Aristote : La multitude est-elle plus intelligente que l’individu ?

Il est possible que de nombreux individus, dont aucun homme n’est vertueux, quand ils s’assemblent soient meilleurs que ceux qui sont meilleurs mais peu nombreux, non pas individuellement, mais collectivement, comme les repas collectifs sont meilleurs que ceux qui sont organisés aux frais d’une seule personne. Au sein d’un grand nombre, en effet, chacun possède une part d’excellence et de prudence, et quand les gens se sont mis ensemble de même que cela donne une sorte d’homme unique aux multiples pieds, aux multiples mains et avec beaucoup d’organes des sens, de même en est-il aussi pour les qualités morales et intellectuelles. C’est aussi pourquoi la multitude est meilleur juge en ce qui concerne les arts et les artistes : en effet, les uns jugent une partie, les autres une autre, et tous jugent le tout.

ARISTOTE, Politiques, 1281b

  • Selon Aristote, comment peut-on passer d’individus non vertueux à une multitude vertueuse ?
  • Quel type de relation s’instaure entre les individus lorsqu’ils sont rassemblés ?
  • Dans quels cas réels trouve-t-on ce type de fonctionnement optimiste ? Est-ce toujours vrai ?

Les êtres vivants ont-ils conscience d’eux-mêmes ?

Le test du miroir a été élaboré par Gordon Gallup dans les années 1970.

Voici une version moderne du test reconstituée dans le documentaire de la BBC Amazing Apes :

https://www.youtube.com/watch?v=fD9ciVyqdm8

  • Quel est le sens physique du verbe “réfléchir” ?

  • Est-il facile pour un enfant de un an de s’identifier dans un miroir ? Pourquoi ?
  • Face au miroir, que doit toucher l’animal pour que le test réussisse ?
  • Que doit toucher l’animal pour que le test échoue ?
  • Quelle opération mentale complexe rend possible cette réflexion physique ?
  • Que nous apprend cette expérience sur l’activité de réflexion intellectuelle ?

Pour approfondir :

Les préjugés structurent-ils les relations sociales ?

1) Comment se repérer dans la société sans préjugés ?

Extrait de l’émission d’Arte X:enius sur “Les préjugés : peut-on s’en passer ?”

2) Les préjugés aident-ils à structurer nos comportements ?

Extrait de l’émission d’Arte X:enius sur “Les préjugés : peut-on s’en passer ?”