Kant : Faut-il penser par soi-même ?

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Qu’est-ce que les Lumières ?

Les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de minorité dont il est lui-même responsable. La minorité est l’incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la direction d’un autre. Sapere aude !* Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières. Continuer la lecture

Williams : Est-ce si simple de tolérer l’opinion d’autrui ?

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La difficulté avec la tolérance, c’est qu’elle semble à la fois nécessaire et impossible. Elle est nécessaire lorsque différents groupes ont des croyances (morales, politiques ou religieuses) en conflit, et réalisent qu’il n’y a aucune alternative à leur coexistence, c’est-à-dire aucune alternative à part la lutte armée, qui ne résoudra pas leurs désaccords et imposera des souffrances continuelles. Voilà les circonstances qui rendent la tolérance nécessaire. Continuer la lecture

Scanlon : La tolérance est-elle une bonne solution ?

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Qu’est-ce que la tolérance ? La tolérance nous commande d’accepter des gens et d’autoriser leurs pratiques même quand nous les désapprouvons avec force. Ainsi, la tolérance implique une attitude intermédiaire entre l’approbation pleine et entière et l’opposition sans retenue. Cette position intermédiaire fait de la tolérance une attitude déroutante. Continuer la lecture

Popper : Faut-il tolérer les intolérants ?

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On connaît beaucoup moins le paradoxe de la tolérance : une tolérance sans limites ne peut que mener à la disparition de la tolérance. Si nous étendons une tolérance sans limites même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas préparés à défendre une société tolérante contre l’assaut des intolérants, alors les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance. Continuer la lecture

Bergson : L’oeuvre d’art reflète-t-elle l’existence de l’artiste ?

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Harlequin, de Cézanne (1890)

Si paradoxale que cette assertion puisse paraître, nous ne croyons pas que l’observation des autres hommes soit nécessaire au poète tragique. D’abord, en fait, nous trouvons que de très grands poètes ont mené une vie très retirée, très bourgeoise, sans que l’occasion leur ait été fournie de voir se déchaîner autour d’eux les passions dont ils ont tracé la description fidèle. Mais, à supposer qu’ils eussent eu ce spectacle, on se demande s’il leur aurait servi à grand-chose. Ce qui nous intéresse, en effet, dans l’œuvre du poète, c’est la vision de certains états d’âme très profonds ou de certains conflits tout intérieurs. Or, cette vision ne peut pas s’accomplir du dehors. Les âmes ne sont pas pénétrables les unes aux autres. Nous n’apercevons extérieurement que certains signes de la passion. Nous ne les interprétons — défectueusement d’ailleurs — que par analogie avec ce que nous avons éprouvé nous-mêmes. Ce que nous éprouvons est donc l’essentiel, et nous ne pouvons connaître à fond que notre propre cœur — quand nous arrivons à le connaître. Est-ce à dire que le poète ait éprouvé ce qu’il décrit, qu’il ait passé par les situations de ses personnages et vécu leur vie intérieure ? Ici encore la biographie des poètes nous donnerait un démenti. Comment supposer d’ailleurs que le même homme ait été Macbeth, Othello, Hamlet, le roi Lear, et tant d’autres encore ? Continuer la lecture

Bergson : L’art vise-t-il une vérité universelle ?

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Hamlet et Horatio au cimetière devant le fossoyeur qui tient le crâne de Yorick, de Delacroix (1839)

Il suit de là que l’art vise toujours l’individuel. Ce que le peintre fixe sur la toile, c’est ce qu’il a vu en un certain lieu, certain jour, à certaine heure, avec des couleurs qu’on ne reverra pas. Ce que le poète chante, c’est un état d’âme qui fut le sien, et le sien seulement, et qui ne sera jamais plus. Ce que le dramaturge nous met sous les yeux, c’est le déroulement d’une âme, c’est une transe vivante de sentiments et d’événements, quelque chose enfin qui s’est présenté une fois pour ne plus se reproduire jamais. Nous aurons beau donner à ces sentiments des noms généraux ; dans une autre âme ils ne seront plus la même chose. Ils sont individualisés. Par là surtout ils appartiennent à l’art, car les généralités, les symboles, les types même, si vous voulez, sont la monnaie courante de notre perception journalière. D’où vient donc le malentendu sur ce point ? Continuer la lecture