Pascal : Sommes-nous capables d’être heureux au présent ?

Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.

Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

PASCAL, Pensées, Brunschvicg 172 / Lafuma 47

Questions :

  • Expliquez quel est notre rapport au passé et à l’avenir, selon Pascal.
  • Expliquez pourquoi, selon Pascal, “nous ne vivons jamais”.
  • Selon Pascal, le bonheur doit-il être recherché au présent ou sur toute notre vie ?

Aristote : Le bonheur se trouve-t-il dans l’action ou dans la connaissance ?

(Note : Aristote distingue 3 types de vie : la vie contemplative (“théorétique”) dédiée à la connaissance, la vie poétique dédiée à la création, et la vie pratique dédiée à l’action. Dans l’Ethique à Nicomaque, il se demande quelle vie est préférable pour trouver le bonheur.)


Mais si le bonheur est une activité conforme à la vertu, il est rationnel qu’il soit activité conforme à la plus haute vertu et celle-ci sera la vertu de la partie la plus noble de nous-mêmes. (…) Or que cette activité soit théorétique, c’est ce que nous avons dit.

(…) En effet, en premier lieu, cette activité est la plus haute, puisque l’intellect est la meilleure partie de nous-mêmes et qu’aussi les objets sur lesquels porte l’intellect sont les plus hauts de tous les objets connaissables Ensuite elle est la plus continue car nous sommes capables de nous livrer à la contemplation d’une manière plus continue qu’en accomplissant n’importe quelle action. Nous pensons encore que du plaisir doit être mélangé au bonheur ; or l’activité selon la sagesse est, tout le monde le reconnaît, la plus plaisante des activités conformes à la vertu ; de toute façon, on admet que la philosophie renferme de merveilleux plaisirs sous le rapport de la pureté et de la stabilité, et il est normal que la joie de connaître soit une occupation plus agréable que la poursuite du savoir. De plus, ce qu’on appelle la pleine suffisance appartiendra au plus haut point à l’activité de contemplation car s’il est vrai qu’un homme sage, un homme juste, ou tout autre possédant une autre vertu, ont besoin des choses nécessaires à la vie, cependant, une fois suffisamment pourvu des biens de ce genre, tandis que l’homme juste a encore besoin de ses semblables (…), l’homme sage, au contraire, fût-il laissé à lui-même, garde la capacité de contempler, et il est même d’autant plus sage qu’il contemple dans cet état davantage. Sans doute est-il préférable pour lui d’avoir des collaborateurs mais il n’en est pas moins l’homme qui se suffit le plus pleinement à lui-même. Et cette activité paraîtra la seule à être aimée pour elle-même : elle ne produit, en effet, rien en dehors de l’acte même de contempler, alors que des activités pratiques nous retirons un avantage plus ou moins considérable à part de l’action elle-même. De plus, le bonheur semble consister dans le loisir car nous ne nous adonnons à une vie active qu’en vue d’atteindre le loisir, et ne faisons la guerre qu’afin de vivre en paix.

ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, 1177ab

Questions :

  • Entre la vie pratique et la vie contemplative, laquelle des 2 est la plus propice au véritable bonheur selon Aristote ?
  • Reproduisez le tableau suivant et reformulez les 7 arguments utilisés par Aristote pour opposer ces 2 types de vie :

vie pratique

vie contemplative

1)

2)

3)

4)

5)

6)

7)

  • La thèse d’Aristote est-elle satisfaisante ? Proposez une objection.

Vidéo : Le travail est-il incompatible avec le bonheur ?

Le documentaire “Le bonheur au travail”, réalisé par Martin Meissonnier et diffusé sur Arte en 2014, propose et examine plusieurs solutions concrètes pour concilier travail & bonheur.

Quelques extraits :

  • Quels principes d’organisation favorisent l’entente au travail ?

  • Comment les revenus du travail pourraient-ils être mieux répartis ?
  • Comment améliorer les performances individuelles au travail ?