Thoreau : Devons-nous obéir aux lois injustes ?

Il existe des lois injustes : devons-nous simplement nous contenter de leur obéir, devons-nous nous efforcer de les amender (1) tout en continuant à leur obéir jusqu’à l’accomplissement de nos projets, ou bien encore devons-nous immédiatement les transgresser ? En règle générale, les hommes qui vivent sous un tel gouvernement estiment qu’il convient d’attendre jusqu’à ce qu’ils aient réussi à persuader la majorité de modifier les lois. Ils pensent que s’ils faisaient acte de résistance, le remède pourrait être pire que le mal. […]

Tant qu’elle se conforme à la majorité, la minorité est impuissante et n’est même plus elle-même. En revanche, elle est irrésistible quand elle met toute sa force à faire de l’obstruction (2). S’il doit choisir entre emprisonner tous les hommes de bien ou mettre un terme à la guerre et à l’esclavage, l’Etat n’hésitera pas longtemps devant une telle alternative. Si mille citoyens décidaient de ne pas payer leurs impôts cette année, ils ne commettraient pas là une action aussi violente et sanglante que celle dont ils se rendent coupables en versant leur contribution pour permettre à l’État de faire acte de violence et de répandre le sang innocent. Telle est, en fait, la définition d’une révolution pacifique. […]

Si le collecteur d’impôts ou tout autre fonctionnaire vient me demander : « Mais que dois-je donc faire ? », je lui répondrai : « Si vous souhaitez réellement faire quelque chose, alors démissionnez. » Lorsque le sujet a refusé son allégeance et que les fonctionnaires ont démissionné, la révolution est accomplie.

Henry David Thoreau, Résistance au gouvernement civil (1849)

(1) amender : modifier en vue d’améliorer

(2) obstruction : manœuvre destinée à empêcher ou à retarder

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