Nozick : Est-il juste que l’Etat impose ses citoyens ?

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Du point de vue de [ma] théorie de l’habilitation, la redistribution est un sujet très important, impliquant la violation des droits des gens. (…)

L’imposition des biens provenant du travail se retrouve sur un pied d’égalité avec les travaux forcés. Certaines personnes trouvent que cette thèse est de toute évidence vraie : le fait de prendre les gains de n heures de travail revient à prendre n heures de cette personne ; c’est comme si l’on forçait cette personne à travailler n heures pour quelqu’un d’autre. D’autres trouvent que cette thèse est absurde. Et même ceux-là, s’ils font objection à l’évocation de travaux forcés, s’opposeraient à forcer des hippies au chômage à travailler au bénéfice de ceux qui sont dans le besoin.

Et ces mêmes personnes s’opposeraient également à forcer chaque personne à travailler cinq heures supplémentaires par semaine pour le bénéfice de ceux qui sont dans le besoin. Mais un système qui prend le salaire de cinq heures de travail en impôt ne leur paraît pas ressembler à quelqu’un qui force quelqu’un d’autre à travailler cinq heures, puisque cela offre à la personne forcée un plus large éventail de choix  dans ses activités que ne le fait l’impôt en nature avec le travail particulier spécifié. (…)

L’homme qui choisit de travailler plus longtemps pour gagner un revenu plus que suffisant pour ses besoins fondamentaux, préfère certains biens supplémentaires          ou des services pour ses loisirs et des activités qu’il pourrait accomplir au cours des heures où il n’est pas possible de travailler ; tandis que l’homme qui choisit de ne pas travailler en heures supplémentaires préfères des activités de loisirs aux biens supplémentaires ou aux services qu’il pourrait acquérir en travaillant plus.                 Compte tenu de ceci, s’il était illégitime pour un système d’impôts de saisir une partie des loisirs d’un homme (les travaux forcés) dans le but de rendre service à ceux qui sont dans le besoin, comment peut-il être légitime pour un système d’impôts de se saisir des biens d’un homme pour ce même dessein ? Pourquoi devrions-nous traiter cet homme, dont le bonheur requiert certains besoins matériels ou services, de façon différente d’un homme dont les préférences et les désirs ne rendent pas nécessaires de tels biens pour son bonheur ? Pourquoi l’homme qui préfère voir un film (et qui doit gagner l’argent pour se payer le billet d’entrée) devrait-il être ouvert à l’appel requis pour aider les nécessiteux, alors que la personne qui préfère regarder le coucher du soleil (et donc n’a aucun besoin de gagner de l’argent supplémentaire) ne l’est pas ? En vérité, n’est-il pas surprenant que les gens qui font la redistribution choisissent de laisser de côté l’homme dont les loisirs peuvent être atteints avec tant de facilité, sans faire d’heures supplémentaires, alors qu’ils ajoutent encore un poids supplémentaire au malheureux qui doit travailler pour ses plaisirs ?

Robert NOZICK, Anarchie, État et utopie (1974), chapitre 7, pp.210-213

Questions de compréhension :

  • Reconstituez le raisonnement par analogie développé par Nozick à propos des impôts.
  • Selon Nozick, celui qui travaille plus doit-il payer plus d’impôts ? Justifiez à l’aide d’un exemple.
  • Selon Nozick, pourquoi n’est-il pas nécessaire de redistribuer les impôts à ceux qui travaillent moins ?

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