Rousseau : Faut-il limiter le droit de propriété ?

Le droit de premier occupant, quoique plus réel que celui du plus fort, ne devient un vrai droit qu’après l’établissement de celui de propriété. Tout homme a naturellement droit à tout ce qui lui est nécessaire ; mais l’acte positif qui le rend propriétaire de quelque bien l’exclut de tout le reste. Sa part étant faite il doit s’y borner, et n’a plus aucun droit à la communauté. Voilà pourquoi le droit de premier occupant, si faible dans l’état de nature, est respectable à tout homme civil. On respecte moins dans ce droit ce qui est à autrui que ce qui n’est pas à soi.

En général, pour autoriser sur un terrain quelconque le droit de premier occupant, il faut les conditions suivantes. Premièrement que ce terrain ne soit encore habité par personne ; secondement qu’on n’en occupe que la quantité dont on a besoin pour subsister ; en troisième lieu qu’on en prenne possession, non par une vaine cérémonie, mais par le travail et la culture, seul signe de propriété qui au défaut de titres juridiques doive être respecté d’autrui.

En effet, accorder au besoin et au travail le droit de premier occupant, n’est-ce pas l’étendre aussi loin qu’il peut aller ? Peut-on ne pas donner des bornes à ce droit ? Suffira-t-il de mettre le pied sur un terrain commun pour s’en prétendre aussitôt le maître ? Suffira-t-il d’avoir la force d’en écarter un moment les autres hommes pour leur ôter le droit d’y jamais revenir ? Comment un homme ou un peuple peut-il s’emparer d’un territoire immense et en priver tout le genre humain autrement que par une usurpation punissable, puisqu’elle ôte au reste des hommes le séjour et les aliments que la nature leur donne en commun ? Quand Nuñez Balbao prenait sur le rivage possession de la mer du Sud et de toute l’Amérique méridionale au nom de la couronne de Castille, était-ce assez pour en déposséder tous les habitants et en exclure tous les princes du monde ? Sur ce pied-là ces cérémonies se multipliaient assez vainement, et le Roi catholique n’avait tout d’un coup qu’à prendre de son cabinet possession de tout l’univers ; sauf à retrancher ensuite de son empire ce qui était auparavant possédé par les autres princes.

ROUSSEAU, Du Contrat social (1762), I, chapitre 9 “Du domaine réel”, §§2-4

Questions :

  1. Entre le droit du premier occupant et le droit de propriété, lequel est le plus avantageux ? Justifiez.

  2. A l’état de nature, à qui appartient légitimement la terre selon Rousseau ? Justifiez.

  3. Justifiez les 2e et 3e critères de propriété formulés par Rousseau.

  4. Expliquez les principales critiques formulées par Rousseau dans le dernier paragraphe.

Une explication orale proposée par Agathe, Antoine et Chloé (TL, 2017) :

Une autre explication orale proposée par Farah, Nina, Claire & Maxine (TL, 2018)

 

Pour approfondir :

2 réflexions sur « Rousseau : Faut-il limiter le droit de propriété ? »

  1. Ping : Lecture suivie : Rousseau, Du Contrat social (1762), I-II | Atelier philo

  2. Ping : Lecture suivie : Rousseau, Du Contrat social (1762), I | Atelier philo

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