Freud : nos idées surgissent-elles au hasard ?

Je vous avais dit que lorsque, renonçant à l’hypnose, on cherchait à réveiller les souvenirs que le sujet pouvait avoir de l’origine de sa maladie, en lui demandant de dire ce qui lui venait à l’esprit, la première idée qui surgis­sait se rapportait à ces premiers souvenirs. Ce n’est pas toujours exact. Je n’ai présenté la chose aussi simplement que pour être bref. En réalité, les pre­mières fois seulement, une simple insistance, une pression de ma part suffisait pour faire apparaître l’événement oublié. Si l’on persistait dans ce procédé, des idées surgissaient bien, mais il était fort douteux qu’elles correspondent réelle­ment à l’événement recherché : elles semblaient n’avoir aucun rapport avec lui, et d’ailleurs les malades eux-mêmes les rejetaient comme inadéquates. La pression n’était plus d’aucun secours et l’on pouvait regretter d’avoir renoncé à l’hypnose.

Incapable d’en sortir, je m’accrochai à un principe dont la légitimité scientifique a été démontrée plus tard par mon ami C.-G. Jung et ses élèves à Zurich. (Il est parfois bien précieux d’avoir des principes!) C’est celui du déterminisme psychique, en la rigueur duquel j’avais la foi la plus absolue. Je ne pouvais pas me figurer qu’une idée surgissant spontanément dans la con­science d’un malade, surtout une idée éveillée par la concentration de son attention, pût être tout à fait arbitraire et sans rapport avec la représentation oubliée que nous voulions retrouver. Quelle ne lui fût pas identique, cela s’expliquait par l’état psychologique supposé. Deux forces agissaient l’une contre l’autre dans le malade ; d’abord son effort réfléchi pour ramener à la conscience les choses oubliées, mais latentes dans son inconscient ; d’autre part la résistance que je vous ai décrite et qui s’oppose au passage à la con­science des éléments refoulés. Si cette résistance est nulle ou très faible, la chose oubliée devient consciente sans se déformer ; on était donc autorisé à admettre que la déformation de l’objet recherché serait d’autant plus grande que l’opposition à son arrivée à la conscience serait plus forte. L’idée qui se présentait à l’esprit du malade à la place de celle qu’on cherchait à rappeler avait donc elle-même la valeur d’un symptôme. C’était un substitut nouveau, artificiel et éphémère de la chose refoulée et qui lui ressemblait d’autant moins que sa déformation, sous l’influence de la résistance, avait été plus grande. Pourtant, il devait y avoir une certaine similitude avec la chose recherchée, puisque c’était un symptôme et, si la résistance n’était pas trop intense, il devait être possible de deviner, au moyen des idées spontanées, l’inconnu qui se dérobait. L’idée surgissant dans l’esprit du malade est, par rapport à l’élément refoulé, comme une allusion, comme une traduction de celui-ci dans un autre langage.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§1-2

Questions :

  • Quelles méthodes Freud préfère-t-il abandonner ? Justifiez son choix. (§1)
  • Expliquez le principe théorique auquel Freud fait appel à l’aide d’un exemple (§2)
  • Quand l’esprit évoque une idée refoulée, quel conflit a lieu ? Reconstituez les étapes.
  • Quel type de raisonnement conclut le texte ? Expliquez.
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Orlanne, Ivo, Claire et Lea (TL, 2017)

Une explication orale proposée par Emeline, Emilie & Mandy (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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2 réflexions sur « Freud : nos idées surgissent-elles au hasard ? »

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